A propos de la souffrance

- 28/11/2021 12:11

Jérémie 33 14-16 ; I Thessaloniciens 3 12 et 4 2 ; Luc 21 25-36

Il y a certains aspects assez difficiles dans la vie chrétienne. Comme par exemple, le fait que devenir un disciple de Christ ne nous exonère pas des épreuves de la vie.
La question se pose alors : « Pourquoi un Dieu d’amour et de bonté permet-il que nous soyons éprouvés par la mort d’un enfant, par la guerre, par la maladie, par les craintes etinquiétudes de toutes sortes ? Certains se disent même « s’il nous aimait réellement, il nous délivrerait de ces choses. Après tout, l’amour n’implique-t-il pas de vouloir pour nous une vie facile et confortable ? »
Nos trois lectures de ce jour nous invitent justement à réfléchir à l’action de Dieu dans les temps de crise, au moment des épreuves et des tribulations.

  • La première lecture dans Jérémie (33 : 14-16) nous présente comment Dieu respecte sa parole, et comment il est bon pour son peuple.
    Pour rappeler un peu le contexte historique de Jérémie 33, nous nous trouvons à un moment où l’élite dirigeante de Juda est en exil à Babylone suite au siège de Jérusalem en - 597 par les Babyloniens. Le roi Sédécias reste sur le trône de Juda mais c’est un pays très affaibli dans lequel sʼouvre un débat politique et religieux qui divise aussi bien les exilés que la population demeurée au pays : faut-il se soumettre ou se révolter dès que possible en comptant sur lʼappui de lʼÉgypte et des voisins de Juda ?
    Jérémie invite, lui, non pas à la révolte, mais à placer sa confiance en Yhaweh pour sortir de la crise. Cette sortie de la crise, il la voit. C’est tout le sens de ces interventions.
    Jérémie donne un message d’espoir en donnant un témoignage sur les bénédictions de Dieu.
    Il annonce que le germe de justice germera sur David en exécutant la justice et le jugement sur la terre ; Juda sera sauvé, et Jérusalem demeurera en assurance ; son nom sera « l’Éternel, notre justice ».
    Les juifs sont encouragés à une espérance malgré des temps de crise.
    Le dessein de Dieu est bon envers son peuple.
    Les souffrances endurées par les juifs ne sont que transitoires. S’il est vrai que la domination de Babylone sur Juda est l’expression de la colère de Dieu sur son peuple, il n’en demeure pas moins que c’est un état passager. Un état qui mènera à une purification spirituelle et morale.
    Dans les versets 14 à 16, Jérémie nous révèle le vrai dessien de Dieu, et nous révèle que l’effet de la pleine grâce de Dieu envers son peuple arrivera malgré la dévastation et la ruine.
    Même au milieu d’un monde hostile, l’espérance est toujours possible.
    Ce temps de crise ouvre vers un avenir prometteur.
    Entendre ce texte aujourdʼhui, peut nous éclairer sur notre époque, même si ce récit semble nous placer dans une histoire révolue. Même au cœur du trouble, lorsque l’on désespère, on peut garder à l’esprit que Dieu nous réserve plein de grâces et de bénédictions.
    La Bible dit clairement que Dieu aime ses enfants et fait en sorte que tout contribue [à notre] bien. Cela veut dire que les épreuves et tribulations qu’il permet dans nos vies font partie de son plan pour que toutes choses concourent à notre bien. Elles doivent donc toutes avoir un sens dans la vie du croyant.
    Ne pas s’inquiéter mais s’en remettre entièrement à Dieu. Dieu nous aime au point d’avoir donné Son propre Fils pour nos péchés, et II sait de quoi nous avons besoin avant même que nous le Lui demandions.
    Mais c’est aussi une preuve d’amour que de nous adresser à Lui comme à un père quand nous sommes dans l’épreuve. Un père fait tout ce qu’ll peut pour que ses enfants soient heureux et protégés du mal; à combien plus forte raison Dieu fait-ll tout ce qui est en Son pouvoir pour nous conduire à l’abri du mal. Alors remettons-Lui nos soucis, nos craintes, nos épreuves simplement, en nous souvenant des promesses de Sa Parole.
  • Dans le deuxième extrait que nous avons entendu, le contexte est tout autre.
    La communauté de Thessalonique est dans l’idée que le temps qui la sépare de l’avènement du Christ est court. Le temps présent est perçu comme provisoire. Ce qui est remarquableest que, même dans cette situation a priori provisoire, il convient que la communauté s’organise, se structure un minimum. En effet, l’inconfort du temps présent s’éternise.
    Pour nous qui sommes dans un temps plus long, l’organisation de la communauté est encore plus nécessaire bien évidemment car nous vivons cette attente de l’avènement du Christ sur une longue durée. Par conséquent, l’organisation doit prémunir d’un essoufflement et permettre de continuer à vivre pourtant de cette espérance d’un avènement qui doit venir.
    Comment lire et entendre ce texte aujourd’hui alors qu’il a été écrit dans un contexte d’espérance d’avènement imminent du Christ ? Autrement dit encore, comment vivre aujourd’hui en communauté dans la perspective de son avènement ?
    Nous pouvons voir dans la communauté elle-même, le signe de l’espérance de cet avènement à venir ; elle est en quelque sorte le lieu actuel et concret de cette espérance, où ce qui est espéré tend à être vécu déjà maintenant.
    Cette « expérimentation » qu’est la communauté n’accélère pas l’avènement du Christ, mais donne à nos contemporains des motifs d’espérer.
    La péricope de I Thessaloniciens (3: 12 à 4: 2) nous donne des recettes pour cette vie communautaire : « Que le Seigneur augmente de plus en plus parmi vous, et à l’égard de tous, cette charité que nous avons-nous-mêmes pour vous, afin d’affermir vos cœurs, qu’il soit irréprochable dans la sainteté devant Dieu notre Père, lors de l’avènement de notre Seigneur Jésus avec tous ses saints. »
    Il y a ici un vrai souci de perfection, il faut affermir son cœur pour qu’il soit irréprochable.
    Comment comprendre ce souci de perfection ? Cela peut être une chance et un danger. Ici, ce n’est pas seulement d’un enjeu personnel qu’il s’agit mais aussi d’un enjeu collectif. Paul parle au pluriel : « affermir vos cœurs ».
    La perfection est donnée, par grâce, elle n’est pas à conquérir. Et en même temps, cette perfection se demande dans la prière, grâce à l’Esprit. Dans une société largement individualiste, où la place du spirituel est reléguée à la sphère du divertissement, soit par la société, soit par les chrétiens eux-mêmes, comment recevoir l’appel de Paul demandant à ce que nos cœurs soient affermis, soient irréprochables ?
    S’améliorer est une aspiration légitime et des plus contemporaines, surtout dans un monde en perpétuel changement qui ne supporte que très modérément les faibles.
    Être irréprochable même, est une quête actuelle, qui tend à mettre en avant la recherche d’un idéal, d’une pureté. Paul, dans ce texte, nous appelle à veiller à vivre dès maintenant comme des personnes qui portent sur elles la promesse qui leur est faite qu’elles sont des fils et des filles de lumière et qu’elles n’ont rien à craindre pour aujourd’hui, parce qu’elles sont déjà prêtes pour le jour de l’avènement.
  • Dans la troisième péricope (Luc 21 : 25-36), nous avons une vision apocalyptique des jours à venir. On nous parle de jours de vengeance pour l’accomplissement de tout ce qui est écrit.
    Il faut se représenter ces jours non pas seulement comme des jours de vengeance mais aussi comme des jours qui doivent arriver avant la délivrance.
    Il s’agit en quelque sorte d’un passage obligé avant l’avènement du Royaume. Et dans cet extrait, on nous donne en quelque sorte, la recette pour s’en tirer le mieux possible pendant ce temps d’épreuves :
    « Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos cœurs ne s’appesantissent par les excès du manger et du boire et par les soucis de la vie » On nous dit aussi plus loin : « Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d’échapper à toutes ces choses ».L’avenir proche n’est pas présenté ici comme radieux, au contraire, il y a lieu de le craindre, mais malgré tout, il y a une promesse de délivrance après toutes ces épreuves. Cependant, ce qui est en notre pouvoir de faire c’est subir l’épreuve en veillant, en priant, en s’éloignant des soucis de ce monde.
    Que trouvons-nous dans ces 3 péricopes ? On nous parle de temps difficiles, mais au bout de ces difficultés on nous parle de promesse, d’espérance, on retrouve aussi dans cette période transitoire, difficile, la notion de communauté.
    Une communauté qui vit les troubles dans la charité.
    Une communauté où l’on essaie d’affermir son cœur. On nous révèle aussi qu’individuellement nous sommes appelés à la prière et à ne pas s’appesantir sur les soucis de la vie pour mieux vivre ces temps.
    On nous appelle le chrétien à vivre avec les membres de la communauté, dans la paix que donne l’espérance; à vivre pleinement comme des frères et des sœurs, avec qui l’on peut s’encourager et se porter mutuellement. Il s’agit de veiller à cela, de se laisser transformer, façonner, reprendre même, pour vivre selon l’Esprit, selon la volonté de Dieu, que de chercher à s’améliorer seul.
    Nous ne sommes pas seuls dans l’épreuve, nous pouvons aussi nous en remettre à notre communauté. Nous sommes appelés à exercer la charité les uns envers les autres.
    Notre pèlerinage terrestre n’est pas une épopée solitaire mais une acceptation de cheminer ensemble avec le Christ.
    Le Christ n’est pas venu supprimer ma souffrance mais l’habiter, lui donner un sens et m’aider ainsi à la vivre autrement.

Amen

Carl-André Spillmann
Le 28 novembre 2021
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